Partager, ça s’apprend!

« À moi!! » s’écrie Justin en arrachant un jouet des mains de son ami. Ce qui, à première vue, peut sembler être un comportement antisocial est, au contraire, tout à fait normal. Les enfants sont naturellement possessifs et égocentriques. Le jeune enfant a une vision égocentrique du monde et il est incapable de se mettre à la place de l’autre. Il n’a qu’un seul point de vue : le sien. Il est le centre d’un univers qui a pour fonction de répondre à ses besoins et ses désirs. Il ne fait qu’un avec sa mère et perçoit les objets pour lesquels il a de l’affection comme des prolongements de lui-même. Tant que cette vision égocentrique persiste, le concept de partage ne peut pas être intégré.

Ce n’est que vers 3 ans, en moyenne, que l’enfant commence à comprendre que les autres ont des désirs et des besoins différents des siens et qu’il commence à percevoir les émotions des autres personnes. Il ne peut cependant pas prévoir les réactions des autres. Par exemple, il ne sait pas qu’il va faire pleurer son camarade lorsqu’il va lui enlever un jouet.

Vers l’âge de 4 ans, son sens de l’empathie se développe. Il devient de plus en plus capable de se mettre à la place des autres et d’anticiper leurs réactions et leurs sentiments. Il console un ami qui est triste, prépare une surprise pour faire plaisir à quelqu’un et comprend que les autres puissent avoir des réactions et des goûts différents des siens. Par exemple, il remarque que Chloé a peur des vers de terre, mais que Mathieu n’en fait pas de cas.

Savoir partager est une habileté importante à acquérir pour développer des relations harmonieuses avec les autres. Comme l’empathie n’est pas une qualité innée, il faudra donc aider l’enfant à développer son sens de l’empathie si on souhaite le voir apprendre à partager.

 

Comment stimuler le sens du partage chez l’enfant?

Le concept du partage peut être difficile à intégrer pour un enfant. Voici quelques stratégies pour l’accompagner dans cet apprentissage :

Donnez l’exemple

Le meilleur moyen pour aider un enfant à apprendre la générosité est de faire preuve de générosité nous-même. Faites des échanges avec lui : « J’ai un beau camion. Je peux te le prêter si tu veux. Que me donnes-tu en échange? » Partagez une gâterie avec lui, faites-lui une place en vous tassant sur le divan ou dites-lui que ce que vous faites est destiné à quelqu’un d’autre (quand vous emballez un cadeau, par exemple). Utilisez le mot « partage » lorsque vous décrivez ce que vous faites (par exemple, au lieu de dire que vous mangez avec les amis, vous pourriez dire que vous partagez un repas avec les amis). N’oubliez pas de montrer que les choses immatérielles (sentiments, idées, histoires, etc.) peuvent aussi être partagées.

Aidez l’enfant à s’exprimer

Dès que l’enfant commence à parler, introduisez des phrases qui l’aideront à entrer en contact avec les autres : « Veux-tu jouer avec moi? », « Est-ce que tu veux me prêter ton jouet? ». Aidez l’enfant à mettre des mots sur ses émotions. S’il refuse de prêter un jouet, amenez-le à exprimer pourquoi, par exemple : « Tu ne veux pas prêter ton livre parce que tu as peur que ton ami le brise? » Si l’un de ses camarades refuse de lui prêter un jouet, lui expliquer que son ami n’est peut-être pas prêt à le prêter tout de suite. Soulignez les marques de partage et de générosité des autres enfants : « Regarde, Tina a sorti les crayons pour tout le monde! », et félicitez-le lorsqu’il accepte de partager avec les autres. En cas de dispute à propos d’un jouet, amenez l’enfant à trouver une solution par lui-même au lieu de régler la situation à sa place. S’il a besoin d’aide pour y arriver, proposez-lui des choix : « Est-ce que tu veux un autre jouet en échange ou veux-tu prêter ton jouet dans 5 minutes? » Il pourra ainsi choisir l’option qu’il préfère.

 Apprenez à l’enfant à attendre son tour

Quand l’enfant veut le jouet d’un autre, proposez-lui un autre jouet intéressant pour l’aider à attendre son tour. Créez des occasions de montrer à l’enfant que prêter ses choses ne veut pas dire les perdre en lui proposant des activités dans lesquelles il pourra échanger avec les autres. Par exemple, participer à un échange de livres au service de garde. Chaque enfant apporte un livre à la garderie et le prête à un ami pour un jour ou deux. On peut aussi proposer des activités dans lesquelles l’enfant est amené participer selon ses compétences et ses intérêts. Par exemple, au lieu de faire un bricolage individuel, proposez une réalisation collective dans laquelle chacun pourra apporter sa contribution personnelle. Félicitez l’enfant quand il cède son tour, sa place ou un jouet à quelqu’un d’autre ou lorsqu’il partage. Décrivez-lui les sentiments suscités par son comportement : « Tu fais plaisir à Marie quand tu lui prêtes ta poupée ».

 Encadrez l’espace et le matériel de jeu

Si l’enfant reçoit un ami pour jouer à la maison, vous pouvez lui suggérer de ranger une partie de ses jouets avant que son ami n’arrive ou préparer des jouets avec lesquels ils pourront s’amuser ensemble. Cela permettra à l’enfant de se sentir moins envahi dans « ses » choses. La même approche peut être appliquée à la garderie en planifiant des périodes d’atelier pendant lesquelles les enfants sont appelés à faire un choix parmi différentes zones de jeu. Aménagez suffisamment d’espace pour qu’il puisse jouer à côté d’un autre enfant tout en ayant de la place pour ses propres jouets et pour ses activités personnelles. On peut aussi séparer le matériel pour éviter qu’un enfant ne s’approprie tout le matériel. Par exemple : Au lieu de ranger les blocs de construction dans un grand bac, on les répartit entre plusieurs bacs de plus petite taille. Ainsi, lorsque l’enfant choisit de jouer avec des blocs, il en reste pour les autres.

Respectez les biens de l’enfant

Nommez ce qui appartient à l’enfant (ses jouets, ses vêtements, etc.), et ce qui appartient aux autres. Cela l’aidera à comprendre la notion de propriété. Dites à l’enfant que l’autre fera attention à son jouet. L’enfant doit être rassuré à l’effet que ses choses sont et seront toujours à lui, même si quelqu’un d’autre s’en sert. Si l’enfant a le sentiment que ses choses sont malmenées, il y a peu de chance pour qu’il ait envie de les prêter. Demandez-lui la permission avant de lui emprunter ses choses et encouragez les autres enfants à en faire autant. Offrez-lui la possibilité de refuser. Enseignez aussi à l’enfant à prendre soin des choses qui lui sont prêtées, à les remettre à leur place et à les rendre dans un délai raisonnable. Dans le cas d’un nouveau jouet, laissez-lui le temps de le découvrir avant de lui demander de le partager. L’enfant a le droit de ne pas vouloir partager un objet qui a une valeur affective pour lui. Respectez son refus et encouragez-le à prêter un autre jouet.

Priorisez le processus plutôt que le résultat

Les enfants acceptent parfois de montrer leurs choses, sans pour autant accepter que quelqu’un d’autre n’y touche ou de s’en séparer. Le seul fait d’accepter de montrer est un pas vers le partage. Il se peut que l’enfant change d’idée et reprenne ce qu’il avait accepté de partager, et il est aussi possible qu’il accepte de prêter ses choses sous certaines conditions comme prêter une partie seulement de ses choses ou prêter avec une limite de temps. Ces petites conditions qu’il impose lui permettent de se sentir un peu en contrôle. Encouragez l’enfant en le félicitant pour son effort. Plus vous reconnaîtrez ses efforts, plus il deviendra confiant et acceptera de partager de plus en plus ses choses sur des périodes de plus en plus longues.

Pratiquez le renforcement positif

Évitez de réprimander ou de punir l’enfant qui refuse de partager. Si vous le traitez d’égoïste, ou que vous le grondez quand il refuse de partager, ou si vous l’obligez à prêter un objet qui lui est cher, vous ne l’encouragerez pas à partager, au contraire, il risque plutôt de devenir amer face à cette expérience et ne sera pas encouragé à la reproduire.

 

Au final, n’oublions pas que l’enfant est le premier agent de son développement. Pour lui, « prendre » quelque chose répond à un besoin, alors que « partager » quelque chose est une notion abstraite. Soyez patient, le partage est un concept qui prend du temps avant d’être maîtrisé. En grandissant, il découvrira vite qu’il est plus agréable de partager que de garder ses choses pour soi.

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